Cette partie n'aurait eu lieu sans le concours d'Agnes, tante d'Alexia, étudiante en faculté de psychologie.
Le deuil c'est quoi ?
D'une manière générale, le deuil est un processus psychologique utilisé pour faire face aux nombreuses pertes susceptibles d'être rencontrées tout le long de notre vie. Ce deuil se rencontre dans diverses situations tel que les ruptures affectives, la maladie, la faillite…
Le deuil relatif à la mort, présente des particularités qui lui sont spécifiques. La mort est:
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Irréversible: c'est-à-dire qu'il n'y aura aucun retour en arrière possible. Dans ce cas, la perte est permanente et la difficulté sera d'apprendre à vivre, se reconstruire en l'absence du défunt.
- Mystérieuse et inconnue: c'est quelque chose qui ne se contrôle pas et que nous ne connaîssons pas. Par nature, l'être humain a peur de l'inconnu: il est impossible de savoir exactement en quoi consiste la mort.
- La perte d'un être cher est le rappel notre propre mort: par conséquent, une remise en question sur le sens de notre existence.
Le deuil est dans son ensemble une reconstruction psychologique qui prend en compte les nouveaux paramètres que nous sommes obligés d'intégrer.
Il est très important de comprendre qu'un deuil est personnel.
En effet, chaque personne appréhende ce processus à sa manière, avec son propre système de valeur: croyances religieuses, spirituelles, philosophiques…
Lors du deuil, ce système de valeur est remis en question, cette période va donc permettre de les redéfinir.
Il faut ainsi respecter cette réorganisation, laisser la personne vivre son deuil à sa façon, sans l'influencer par notre propre perception des choses.
Pourquoi faire des funérailles?
Les funérailles contribuent à faciliter le deuil, c'est une étape importe qui permet à la fois:
- De confirmer la mort
- De se rendre compte de la perte entraînée par la mort
- D'exprimer ses sentiments, ses émotions
- De recevoir un soutien social
- De donner un caractère spirituel et sacré à la mort
Cette une période émotionnellement chargée, permet de libérer ses émotions. Les refouler ne constitue pas une solution, il faut apprendre à exprimer et affronter ses émotions. C'est le meilleur moyen de retourner à un « mieux-être ».
C'est donc au cours des rituels funéraires que l'expression émotionnelle est à son maximum : tristesse, colère, culpabilité, anxiété …s'entremêlent.
L'exposition du corps si pénible soit-elle, facilite la progression du deuil pour deux principales raisons:
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La vue du corps aide à reconnaître la réalité de la mort. L'individu peut prendre conscience de la perte et intègrer le caractère définitif: l'être cher n'est plus.
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La vue du corps favorise l'expression émotionnelle qui permet par un apaisement ultérieur.
L'hommage au défunt permet de partager avec les gens présents le caractère unique de celui-ci.
Il présente la lecture d'un texte, le témoignage spontané des gens, des photographies …
On se remémore des instants passés en sa compagnie ou tout simplement l'amour que nous lui portions, les espérances, les craintes qu'il nous inspirait.
Comment accompagner, aider l'endeuillé à surmonter cette étape ?
La façon consciente ou pas, de réagir avec un endeuillé peut faciliter le processus de deuil ou au contraire, y nuire.
Il faut avant tout savoir développer sa faculté d'écoute.
L'accompagnateur doit présenter un certain nombre de qualités :
- La présence: Être là dans les moments difficiles, présenter une disponibilité affective au-delà de la disponibilité physique.
- La permissivité: Montrer à la personne endeuillée qu'elle n'a pas à censurer certaines idées ou certains sentiments. L'accompagnateur doit être prêt à entendre tout ce qu'elle a sur le c½ur, ce qui la ronge ou l'obstine.
- La perspicacité: En plus d'écouter, l'accompagnateur doit être capable d'utiliser ces connaissances et son expérience pour comprendre l'endeuillé.
- La patience: La personne peut revenir plusieurs fois sur les mêmes faits, dans ce cas, l'accompagnateur doit être prêt à la réécouter.
- La persévérance: Être disponible auprès de l'endeuillé au cours d'une longue période même si aucune amélioration ne semble perceptible.
Ce qu'il faut surtout éviter face à la personne endeuillée :
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Dire que nous savons ce qu'elle ressent: chaque personne est unique et réagit différemment au deuil. La douleur est personnelle et lui appartient.
- Fuir la personne endeuillée parce que nous nous sentons mal à l'aise ou impuissants: la simple présence à son importance même si nous présentons des difficultés à contrôler ce que nous ressentons.
- Conseiller, donner des solutions: nous n'avons pas à s'immiscer dans son deuil.
- Changer de sujet lorsque la mort est abordée: fuir ce thème n'est pas une solution, au contraire, il faut y faire face.
- Garder le silence sur le défunt: au contraire, il faut exprimer ce qu'il représentait, ce qu'il a été.
Utiliser des paroles qui pourraient être déculpabilisantes pour l'endeuillé.
- Chercher une justification pour la mort: nous n'avons pas à imposer nos croyances, nos réflexions
Il faut mieux privilégier ses émotions, le soutien, l'authenticité.
Pourquoi raconter son histoire ? parler de la mort ?
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Raconter son histoire :
La perte d'un être significatif laisse des traces permanentes. Raconter son histoire est un moyen, une thérapie qui nous aide à progresser dans notre travail de deuil.
C'est une manière de mettre des mots sur sa souffrance, reconnaître ce que nous avons vécu, explorer la douleur de la perte pour s'en détacher par la suite.
De même, ce processus favorise l'expression des émotions, développe une image réaliste du défunt, dans ce sens, fait progresser le deuil.
Différentes formes d'expressions sont possibles comme la peinture, le dessin, la musique … L'écriture, quant à elle, s'avère fort recommandée: elle met des mots sur ce qui est vague, structure les idées, permet de prendre du recul vis-à-vis de son expérience.
L'expression peut se faire dans un cadre intime comme se confier à une personne de son entourage, seulement le confident a ses limites. Dans ce cas, il est préférable de s'orienter vers un professionnel, un psychologue qui possède toutes les dispositions nécessaires pour écouter et qui est le plus apte à jouer ce rôle.
Il est possible aussi de s'orienter vers des groupes d'entraide. Ils permettent de se faire entendre, de recevoir du réconfort par des personnes qui vivent une expérience similaire.
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Parler de la mort :
La mort a toujours été un sujet tabou mettant mal à l'aise, souvent occultée, refoulée.
Nous supposons que le fait qu'elle nous échappe, rend si pénible la discussion.
Hors nous ne sommes pas immortels et nous savons très bien qu'un jour ou l'autre, nous y serons confronté, soit par notre propre mort, soit par celle d'un être aimé.
C'est donc pour ces raisons qu'il est préférable d'en parler avant d'y être confronté.
La reconnaissance de la mort se fait par la parole. Il est nécessaire de dépasser nos craintes, révéler nos peurs, nos espoirs, nos croyances …
Même si la perte d'un être aimé reste toujours une étape très difficile à surmonter, si nous en discutons préalablement, nous accroîssons la probabilité de vivre de façon plus significative la mort.
Pour toutes les mamans qui n'osent pas, ne peuvent pas, ne trouvent pas les mots qui peuvent être lus et entendus, gaëlle brunetaud a écrit «Marie-Kerguelen.». Parce que nous retrouvons le goût de la vie après un deuil, non pas en niant ou en refoulant la douleur, mais en donnant à l'enfant parti une place juste dans sa vie. Et pour cela il faut pouvoir exprimer ce qui s'est passé. Ainsi, Marie-Kerguelen n'est pas une histoire triste, c'est une histoire d'amour, le témoignage d'un parcours vers la renaissance.
Un extrait :
«Il est des événements dont nous ne guérissons pas. On les porte en soi pour toujours et on en souffre à jamais. On croit que le temps passe, qu'il lisse l'effroi. On croît qu'on a sublimé l'épreuve, qu'on l'a dépassée, oubliée.
Pourtant, le mal est fait, et, au plus profond de soi, la douleur est intacte. Le coeur, déséquilibré, ne bat plus pareil. Une fenêtre est béante, le vent s"y engouffre, la vie s'y dérobe.
On est glacé. On est perdu. Une part de soi s'est enfuie.
On est fragilisé à jamais, en manque pour toujours.
En soi, désormais, quelque chose n'attend plus que la fin.
Il faut peut-être plonger profond pour trouver la source de sa vie.
En laissant ma fille s'envoler, j'ai trouvé une pierre précieuse,
une petite flamme qui s'apparente au cristal de l'âme…»
gaëlle Brunetaud
Une autre maman s'est lancée dans l'écriture de son histoire: Elle s'appelle Nathalie Z. et se présente à nous:
«Je m'appelle Nathalie, j'ai 26 ans et je suis maman de jumeaux, Pierre et Sarah. Mon fils est décédé in utero à 20 SA en 2006. Hospitalisée pour menace d'accouchement prématuré, j'ai mis au monde mes deux enfants à 30 SA.
Mon cheminement du deuil de mon petit garçon Pierre m'a amené à réaliser un travail d'écriture qui est devenu un livre. Mon souhait est de mieux faire reconnaître la difficulté du deuil périnatal et plus particulièrement celui d'un jumeau.
Je vous annonce donc avec émotion la publication de ce livre.
Ne souhaitant pas faire de l'argent sur le décès de mon fils, le livre est vendu à prix coûtant (exclusivement sur le site Lulu.com) et son téléchargement en format PDF est gratuit.…»
un extrait:
«Deux bébé! Je portais en moi deux bébés ! Nous attendions avec un bonheur intense des jumeaux, nos premiers enfants. Quelle joie! Deux petites vies si précieuses! Deux enfants à aimer! Mon coeur explosait d'amour pour mes petits bouts de choux.
Le décès in utero de notre fils nous a plongé dans un abîme de désespoir. Rien n'est plus absurde, plus injuste que la mort de son enfant. Le deuil périnatal d'un jumeau est un deuil complexe puisque la vie et la mort se retrouvent liées dans un jeu insidieux de cache-cache. Les parents sont démunis et isolés face à de nombreuses problématiques. Ils sont soumis à des tâches psychologiquement opposées. Comment gérer la dualité des sentiments? Doit-on se focaliser sur le jumeau vivant? Faut-il cacher l'existence du jumeau décédé? Quelles sont les conséquences de la mort d'un jumeau sur le jumeau esseulé? Quel comportement adopter?
La mort au lieu de la vie dérange la société qui préfère étouffer, oublier l'existence de ces bébés. Les parents sont confrontés au mur du silence entourant le décès de leur enfant. Le bébé décédé doit-il figurer dans l'histoire familiale? Quelles conséquences sur la fratrie à venir? Quels rituels peut-on mettre en place? Comment l'équipe médicale accompagne t-elle les familles endeuillées? Comment gérer les réactions de l'entourage? Que dire? Quelles sont les conséquences transgénérationnelles des deuils non-faits? Quelle place pour le papa ?
Cet ouvrage tente d'éclairer des pistes de réflexion concernant ces problématiques.
Reconnaître l'existence de ces tout-petits est nécessaire pour l'élaboration du processus de deuil.
J'ai mis au monde mes deux bébés prématurément. La séparation brutale avec ma fille a été une épreuve. Comment gérer ce traumatisme? Comment retrouver confiance en ses capacités de mère ?
Ce livre a été rédigé à quatre mains puisque le père de mes enfants a pris la parole concernant le ressenti du papa, bien trop souvent oublié. Des parents ainsi que des jumeaux esseulés ont participé à mes réflexions sur la mort d'un tout-petit. Leurs témoignages poignants et émouvants vous bouleverseront. Ils nous font partager leurs doutes, leurs questionnements, leurs espoirs. Un grand merci à eux !
À tous les parents de prématurés...
À tous les jumeaux esseulés...
À tous les parents qui ont perdu un bébé...…»
Nathalie Z.
Comment intégrer les enfants aux rituels funéraires, leurs parler de la mort ?
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Intégration aux funérailles :
Il est déjà assez délicat pour nous en tant qu'adulte d'affronter la lourde épreuve du deuil que nous avons tendance de manière systématique, à éloigner les enfants des rituels funéraires.
Or, l'enfant, tout comme l'adulte a besoin de ces moments riches en émotion pour constituer à son tour son processus de deuil.
Sa présence aux funérailles lui permettra ainsi de comprendre et d'accepter la réalité de la perte.
En laissant l'enfant participer aux rituels, nous lui donnons le sentiment de faire parti de la famille, Il reçoit également le soutien, l'affection de ses proches en cette occasion.
Il faut toutefois agir avec discernement, l'enfant a besoin d'être accompagné dans cette épreuve très pénible. Il faut préalablement prendre soin de discuter avec lui, expliquer en détail le déroulement de ce qu'il s'apprête à vivre.
La décision de participer ou non aux funérailles doit être prise de lui-même, en aucun cas l'enfant ne doit culpabiliser sur sa décision. S'il ne se sent pas capable d'y participer, l'adulte peut utiliser d'autres stratégies pour qu'il puisse dire en revoir au défunt, à sa façon: il peut allumer une bougie, faire un montage photos, partager, préparer un repas commémoratif (…).
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L'enfant et la mort :
Le processus du deuil chez l'enfant est constitué de plusieurs étapes :
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Avant 6 mois:
Le concept de la mort est inexistant, seules les conséquences du deuil du parent seront perceptibles par la qualité de maternage: une maman déprimée par un décès fera ressentir son mal-être à l'enfant inconsciemment dans sa relation qu'elle entretient avec lui.
- Entre 6 mois et 2 ans:
Le concept de la mort est très abstrait pour l'enfant: il se doute bien que lorsqu'on est mort, on ne bouge plus, ne respire plus, mais la notion de permanence de cet état, le fait de ne plus revoir le défunt ne sont pas clair du tout. Entre 2 et 5 ans:
L'enfant se construit peu à peu la notion de moi, de l'autre, l'alternance de la présence/absence. L'enfant a été confronté à la mort des animaux, il a pu voir des hommes morts à la télévision: l'idée de la mort est intégrée, la permanence de la mort le sera vers 4, 5 ans.
Cette période est caractérisée par la pensée magique: ce que vit l'enfant est centré sur lui, dépendant de lui de façon à ce qu'il croit qu'il est responsable d'une manière ou d'une autre de ce qui arrive, même si c'est avec des liens magiques.
- De 5 à 8 ans:
Le concept de la mort est à peu prés clair de même pour la permanence de la mort, l'idée que lui aussi peut mourir. L'enfant va être sensible aux réaction d'autrui pour se donner un modèle: il intègre donc le modèle des adultes. Les enfants à cet age sont beaucoup plus attentifs à ce qui se passe, ils ont conscience de la souffrance des parents.
- Pour les 8, 12 ans:
L'enfant commence à être proche de l'adulte dans la prise en charge, le modèle social, dans la difficulté à reconnaître ses besoins et les mettre en avant.
Il est important de prendre en considération les différentes étapes de la notion de la mort chez l'enfant lorsque nous voulons aborder avec lui le décès d'un être de son entourage.
Lorsque nous avons perdu un enfant précédemment, il est conseillé d'intégrer son histoire au petit frère ou petite soeur à venir.
Dans cette tache difficile qui amène à discuter rapidement du décès avec l'enfant, il faut avant tout avoir bien en tête les capacités, l'idée qu'à l'enfant au sujet de la mort selon son âge.
Il faut progressivement au fil du temps intégrer l'histoire du grand frère ou de la grande soeur avec des mots simples, appropriés pour l'enfant.
Les parents racontent à l'enfant de la manière la plus naturelle possible, à leur façon pour que l'enfant puisse intégrer l'histoire de cette grande soeur ou ce grand frère qu'il n'a pas connu.
Inspiré de :
(Source : les saisons du deuil -Josée Jacques
Editions Quebecor, ISBN 2-7640-1061-3)
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